Depuis plusieurs années, diverses personnes se sont attachées à retracer la généalogie des familles Heidmann résidant en Alsace. Un très grand travail de recherche a été fait, notamment aux Archives Départementales du Bas-Rhin, à Strasbourg, qui sont dépositaires des doubles des registres de l'Etat-Civil, de 1793 à 1892, et des registres paroissiaux antérieurs à cette période, depuis leur existence. Toutes les personnes ayant effectué ces recherches en ont tiré les mêmes conclusions, que je vais m'efforcer de résumer ici.
Mon propos ne sera pas d'énumérer de manière exhaustive toutes les branches des familles recensées à ce jour, mais plutôt de retracer l'origine la plus ancienne que nous connaissions, ainsi que d'apporter un éclairage historique sur ce qu'était la région du Kochersberg et le métier de berger à l'orée du XVIIIe siècle.
Je remercie Mr Jean-Marie Quelqueger qui est l'auteur des deux chapitres concernant l'historique du Kochersberg et des bergers. C'est lui également qui a tracé la descendance de Johann Jacob et de Christoph, et qui a complété celle de Johann Georg.
Thierry Heitmann - Strasbourg, Juillet 1995
1. Origine et orthographes du nom
2. Implantation en Alsace
3. Descendance
3.1. Descendance de Johann Jacob
3.2. Descendance de Christoph
3.3. Descendance de Johann Georg
4. Le Kochersberg
5. Les bergers
Diverses orthographes existent aujourd'hui pour écrire le nom Heidmann. On recense en effet les quatre orthographes suivantes, sans que cette liste soit exhaustive : HEIDMANN, HEITMANN, HEYDMANN et HEYTMANN. Ces différences s'expliquent par le fait que les clercs, chargés d'enregistrer les naissances, baptêmes, mariages ou décès, écrivaient les noms phonétiquement, en fonction de ce qu'ils croyaient entendre ou de ce qu'ils interprétaient.
Par ailleurs, l'usage d'un nom de famille transmis de descendant en descendant n'apparaît assez tardivement chez les gens du peuple, qui ne se désignaient auparavant que par un prénom. Pour différencier les différents Jean, Joseph, Pierre ou Paul, on les affublait soit d'un nom de métier (Ackermann = le laboureur, Muller = le meunier, Schneider = le tailleur, etc.), soit d'un nom de lieu (Doerflinger = du petit village), soit d'un sobriquet (Klein = le petit, Gross = le grand, Schwartz = le noir, etc.), soit encore du prénom du père (Niklaus Hansens = Nicolas, fils de Hans).
Dans diverses branches de la famille Heidmann, qui ne se connaissaient pas au préalable, subsiste une tradition orale qui veut que les Heidmann descendent de trois frères bergers, venus de la Lüneburger Heide (la lande de Lüneburg, au nord de l'Allemagne actuelle) avec leurs troupeaux, pour repeupler la province d'Alsace après les massacres de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Cette origine leur aurait valut le nom de "Heide-Mann", l'homme de la lande, d'où dérivent les patronymes Heidmann, Heitmann, etc.
Toutes les recherches sur les diverses branches connues des Heidmann, nous font remonter toujours à la même source : le village de Hochfelden, situé entre Saverne et Strasbourg, dans le Bas-Rhin. Hochfelden est situé en bordure d'une région dénommée Kochersberg (prononcer "Korersberg").
A Hochfelden, les registres paroissiaux catholiques, conservés aux Archives Départementales, débutent en 1679 pour les baptêmes, quelques années plus tard pour les mariages et les sépultures. On y découvre qu'à cette époque trois Heydmann vivaient au village, Johann Georg (Jean Georges), Christoph et Johann Jacob (Jean Jacques), de profession berger.
Cette présence de trois bergers portant le nom de Heydmann accréditerait la tradition orale mentionnée ci-dessus. Toutefois, rien ne permet de dire aujourd'hui que ces trois personnages étaient frères, ni qu'ils venaient de la Lüneburger Heide.
Voici les données dont nous disposons à l'heure actuelle sur ces trois Heydmann :
1. HEYDMANN Johann Georg, né vers 1650/60 ?, marié vers 1680 à Hochfelden ?, avec EHRENHUBER Eva Rosina de Hochfelden, décédé le 3 août 1726 à Hochfelden.
2. HEYDMANN Johann Jacob, né vers 1655/65 ?, marié le 13 décembre 1684 à Hochfelden, avec sa première femme MAYER Anna de Hochfelden, remarié vers 1690 ? à Hochfelden ?, avec sa seconde femme MERCK Ursula (décédée le 9 février 1701 à Hochfelden).
3. HEYDMANN Christoph, né vers 1646/56 ?, marié le 18 octobre 1676 à Obersch...?, Alsace, avec sa première femme FRIDRICH Catharina, remarié le 16 juin 1681 à Hochfelden, avec sa seconde femme OBERACKER Anna Margaretha de Hochfelden (décédée le 22 mai 1716 à Hochfelden), décédé le 3 juillet 1707 à Hochfelden.
Nous ne savons pas grand chose de la descendance de Johann Jacob et de Christoph. Faute de temps, les recherches entreprises à ce jour n'ont pas permis d'aller au-delà de la deuxième génération (les petits-enfants). Des recherches plus poussées devront être entreprises dans les années à venir.
En revanche, nous connaissons relativement bien celle de Johann Georg, tout au moins pour deux de ses fils : Johann Jacob et Johann Philipp. Tous les Heidmann contemporains, rencontrés jusqu'à présent, descendent de l'un de ces deux fils. Une troisième branche, issue d'un troisième fils prénommé Lorentz (Laurent), est en cours d'identification.
Johann Jacob a eu deux femmes, Anna Mayer et Ursula Meck. De la première, il eut trois enfants : Brigitta (1685), Anna Maria (1688) et Johann Jacob (1689). De la seconde, il en eut quatre autres : Johann Jacob (1691), Maria (1693), Andreas (1695) et Michael (1697).
Brigitta épousa en 1710 (?) un certain Nicolas GUBER, dont elle eut trois enfants : Johann Peter (1711), Maria Magdalena (1722) et Maria Salomea (1725).
Des six autres enfants de Johann Jacob nous ne savons rien.
Ceci nous donne le tableau généalogique suivant :
+--------------------------+ +-------------------------+ +-------------------------+
--+HEYDMANN, Johann Jacob +-+-+1.HEYDMANN, Brigitta +-+-+1.GUBER, Johann Peter |
|d. ??? | | |n. 2 Jun 1685 | | |n.21 Fév 1711 |
|ld.Hochfelden | | |ln.Hochfelden | | |ln.Hochfelden |
|--------------------------| | |-------------------------| | +-------------------------+
|s.MERCK, Ursula | | |s.GUBER, Nicolas | | +-------------------------+
|m. ??? 1690/91 | | |m. ??? 1710 | +-+2.GUBER, Maria Magdalena |
|d. 9 Fév 1701 | | |lm.Hochfelden | | |n.17 Mai 1722 |
|ld.Hochfelden | | |d. ??? | | |ln.Hochfelden |
|--------------------------| | |ld.Hochfelden | | +-------------------------+
|s.MAYER, Anna | | +-------------------------+ | +-------------------------+
|m.13 Déc 1684 | | +-------------------------+ +-+3.GUBER, Maria Salomea |
|lm.Hochfelden | +-+2.HEYDMANN, Anna Maria | |n. Aoû 1725 |
+--------------------------+ | |n.30 Jan 1688 | |ln.Hochfelden |
| |ln.Hochfelden | +-------------------------+
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+3.HEYDMANN, Johann Jacob |
| |n. 5 Déc 1689 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+4.HEYDMANN, Johann Jacob |
| |n.21 Nov 1691 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+5.HEYDMANN, Maria |
| |n.19 Mar 1693 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+6.HEYDMANN, Andreas |
| |n.28 Déc 1695 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+7.HEYDMANN, Michael |
|n.12 Sep 1697 |
|ln.Hochfelden |
+-------------------------+
Christoph a lui aussi eut deux femmes : Catharina Fridrich et Anna Maria Oberacker. De la première nous ne savons pas grand-chose. A priori, il n'a pas eu d'enfants avec elle, ou tout au moins, nous ne les avons pas encore trouvés. De la seconde, il eut trois enfants : Eva (1682), Maria Salomea (1685) et Johann Jacob (1688).
Eva épousa en 1708 (?) Johann Georg Azenhoffer, duquel elle eut, à notre connaissance, trois enfants : Anna Maria (1708 ?), Laurent (1713 ?) et Hans Georg (1721 ?). Laurent épousa à son tour Barbara Remer, en septembre 1741.
Maria Salomea épousa Johann Georg Fessel, dont elle eut au moins un fils, Joseph, né le 23 mai 1724 à Hochfelden.
Johann Jacob épousa Maria Elisabetha Walter, qui lui donna au moins trois enfants : Johann Jacob (1715), Maria Elisabetha (1717) et Margaretha (1720).
Ceci nous donne le tableau généalogique suivant :
+-------------------------+ +-------------------------+ +-------------------------+
--+HEYDMANN, Christoph +-+-+1.HEIDMANN, Eva +-+-+1.AZENHOFFER, Anna Maria |
|n. ??? 1635 | | |n. 8 Jul 1682 | | |n. ??? 1708 |
|d. 3 Jul 1707 | | |ln.Hochfelden | | +-------------------------+
|ld.Hochfelden | | |d. ??? 1729 | | +-------------------------+
|-------------------------| | |-------------------------| +-+2.AZENHOFFER, Laurent |
|s.OBERACKER, Anna Margare| | |s.AZENHOFFER, Johann Geor| | |n. ??? 1713 |
|n. ??? 1653 | | |m. ??? 1708 | | |-------------------------|
|m.16 Jun 1681 | | |lm.Hochfelden | | |s.REMER, Barbara |
|lm.Hochfelden | | |d. ??? 1721 | | |m. Sep 1741 |
|d.22 Mai 1716 | | |ld.Hochfelden | | |lm.Hochfelden |
|ld.Hochfelden | | +-------------------------+ | +-------------------------+
|-------------------------| | | +-------------------------+
|s.FRIDRICH, Catharina | | +-+3.AZENHOFFER, Hans Georg |
|m.18 Oct 1676 | | |n. ??? 1721 |
|lm.Obersch? | | +-------------------------+
|d. ??? | | +-------------------------+ +-------------------------+
|ld.Hochfelden | +-+2.HEIDMANN, Maria Salomea+---+1.FESSEL, Joseph |
+-------------------------+ | |n.25 Oct 1685 | |n.23 Mai 1724 |
| |ln.Hochfelden | |ln.Hochfelden |
| |d.22 Déc 1733 | +-------------------------+
| |ld.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.FESSEL, Johann Georg |
| |d. ??? |
| |ld.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+ +-------------------------+
+-+3.HEIDMANN, Johann Jacob +-+-+1.HEIDMANN, Johann Jacob |
|n. 7 Sep 1688 | | |n.28 Jan 1715 |
|ln.Hochfelden | | |ln.Hochfelden |
|d.13 Sep 1721 | | +-------------------------+
|ld.Hochfelden | | +-------------------------+
|-------------------------| +-+2.HEIDMANN, Maria Elisabe|
|s.WALTER, Maria Elisabeth| | |n.15 Aoû 1717 |
|d. ??? 1730 | | |ln.Hochfelden |
|ld.Hochfelden | | +-------------------------+
+-------------------------+ | +-------------------------+
+-+3.HEIDMANN, Margaretha |
|n.13 Fév 1720 |
|ln.Hochfelden |
|d.28 Aoû 1722 |
|ld.Hochfelden |
+-------------------------+
Il y a sans doute peu de chance de rencontrer encore des Heidmann issus de la lignée de Christoph, puisqu'il n'a eu qu'un seul petit-fils pour transmettre son patronyme. Mais qui sait ? l'avenir nous démontrera peut-être le contraire.
Johann Georg a été le plus prolifique des trois Heydmann, puisqu'il eut douze enfants, tous de la même femme, Eva Rosina Ehrenhuber : Johann (1680), Anna (1681), Johann Jacob (1683), Johann Philipp (1685), Maria Elisabetha (1688), Barbara (1690), Johann Georg (1691), Johann Caspar (1693), Magdalena (1696), Lorentz (1698), Margaretha (1701) et Johann Martin (1703).
Ses enfants ont été à leur tour très prolifiques, du moins pour ceux qui se sont mariés. Nous connaissons en effet deux enfants d'Anna, cinq de Johann Jacob, cinq de Johann Philipp, six de Magdalena, trois de Lorentz et quatre de Margaretha. Ce qui fait que Johann Georg père aurait eu au moins 25 petits-enfants.
Le tableau généalogique sur trois générations serait trop long pour tenir dans ces pages. En voici néanmoins les deux premières :
+-------------------------+ +-------------------------+
--+HEYDMANN, Johann Georg +-+-+1.HEIDMANN, Johann |
|d. 3 Aoû 1726 | | |n. 6 Fév 1680 |
|ld.Hochfelden | | |ln.Hochfelden |
|-------------------------| | |d.29 Fév 1680 |
|s.EHRENHUBER, Eva Rosina | | |ld.Hochfelden |
|n. ??? 1650 | | +-------------------------+
|ln.Hochfelden | | +-------------------------+
|m. ??? 1680 | +-+2.HEIDMANN, Anna +---+ 2 enfants
|lm.Hochfelden | | |n.11 Fév 1681 |
|d.22 Déc 1720 | | |ln.Hochfelden |
|ld.Hochfelden | | |d.22 Jun 1712 |
+-------------------------+ | |ld.Littenh ? |
| |-------------------------|
| |s.BUCHER, Balthazar |
| |d. ??? |
| |ld.Littenh ? |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+3.HEITMANN, Johann Jacob +---+ 5 enfants
| |n.20 Déc 1683 |
| |ln.Hochfelden |
| |d.25 Jan 1761 |
| |ld.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.FEHLER, Anna Margaretha|
| |m. ??? 1707 |
| |lm.Hochfelden |
| |d.23 Oct 1755 |
| |ld.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+4.HEYDMANN, Johann Philip+
| |n.22 Jun 1685 |
| |ln.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.KAYSER, Elisabeth |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+5.HEYDMANN, Maria Elisabe|
| |n.14 Jun 1688 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+6.HEYDMANN, Barbara |
| |n.20 Avr 1690 |
| |ln.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+7.HEYDMANN, Johann Georg |
| |n.20 Aoû 1691 |
| |ln.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.GERBER, Anna Maria |
| |m.23 Nov 1723 |
| |lm.Monswiller |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+8.HEYDMANN, Johann Caspar|
| |n. 8 Nov 1693 |
| |ln.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.MARTIN, Anna |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+9.HEYDMANN, Magdalena +---+ 6 enfants
| |n.23 Aoû 1696 |
| |ln.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.LUTZ, Mathias |
| |lm.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+10.HEIDMANN, Lorentz +---+ 3 enfants
| |n. 3 Jul 1698 |
| |ln.Hochfelden |
| |d. 3 Mar 1725 |
| |ld.Mommenheim |
| |-------------------------|
| |s.BIETH, Eva |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+11.HEYDMANN, Margaretha +---+ 4 enfants
| |n.27 Fév 1701 |
| |ln.Hochfelden |
| |d. 4 Jan 1735 |
| |ld.Hochfelden |
| |-------------------------|
| |s.LUTZ, Johann Georg |
| |lm.Hochfelden |
| |d. ??? |
| |ld.Hochfelden |
| +-------------------------+
| +-------------------------+
+-+12.HEYDMANN, Johann Marti|
|n. 7 Oct 1703 |
|ln.Hochfelden |
|d. ??? 1747 |
|ld.Gougenheim |
+-------------------------+
Johann Georg était berger, et a donné naissance à toute une dynastie de bergers communaux, que l'on retrouve dans beaucoup de villages du Kochersberg, tels que : Hochfelden, Mittelshaeffolsheim, Rumersheim, Jetterswiller, Gougenheim ou encore Willgottheim.
La région du Kochersberg tient son nom de la colline du Kochersberg, au-dessus de Neugartheim, sur laquelle s'élevait le château du Kochersberg, propriété de l'évêque de Strasbourg. Ce château a été détruit en 1592 et les pierres ont été utilisées en 1720 lors de la construction de la route Strasbourg-Saverne. Les fossés du château sont toujours visibles.
Cette colline a également donné son nom au bailliage du Kochersberg, qui appartenait à l'évêque de Strasbourg et englobait, outre le château, trente-cinq villages.
Gougenheim fut longtemps le chef-lieu du bailliage ainsi que le siège de la justice. La potence était située au lieu-dit "Galgenberg". Willgottheim est devenu chef-lieu dès 1662 et ce jusqu'à la Révolution. Ce qu'on appelle de nos jours le "Pays du Kochersberg" est une région naturelle située entre Saverne à l'ouest, la Zorn au nord (Saverne, Hochfelden, Brumath), et à l'est le rebord de la terrasse rhénane. Cette région est bordée par les villes de Marlenheim et Wasselonne (anciens fiefs de la ville de Strasbourg), de Saverne (ancien fief épiscopal) et de Hochfelden (fief d'une famille noble, les Ichtratzheim).
Cette région, comme tant d'autres de l'Alsace, a beaucoup souffert durant la guerre de Trente Ans (1618-1648) appelée guerre des Suédois. Après cette guerre, le Kochersberg fut sous domination française et Louis XIV fit venir des colons suisses, bavarois et d'autres, pour repeupler la contrée et remettre en culture les terres en friche. Nous supposons que les Heidmann sont venus en Alsace à ce moment-là.
Le métier de berger est un des plus anciens qui existe. Avant que les peuples ne se sédentarisent et ne se livrent à l'agriculture, les hommes se déplaçaient avec leurs troupeaux. Lorsque les peuples se firent sédentaires et lorsque les villages apparurent, le berger était entretenu par la communauté.
Sous l'ancien régime déjà, les membres des différents corps de métier se regroupaient en corporations régionales pour sauvegarder des intérêts professionnels communs. Ces associations se sont appelé "confréries". Elles avaient leurs saints, et leurs membres se réunissaient pour des fêtes religieuses ou profanes, mais surtout pour régler leurs affaires professionnelles et leurs différends.
Leur particularité est qu'elles recrutaient leurs membres selon les commodités géographiques et non selon les limites seigneuriales ou culturelles. Les origines de ces confréries sont très vagues, mais elles ont duré en général jusqu'à la Révolution.
La plus connue est celle des musiciens d'Alsace, appelée celle des ménétriers, dont les protecteurs ont été les sires de Ribeaupierre puis leurs héritiers. Le "Pfifferdaa" (jour des ménétriers) continue d'être fêté à Ribeauvillé et à Bischwiller.
Les bergers ont également formé des confréries régionales. En Haute-Alsace, leur confrérie regroupait les bergers du Haut-Rhin, du Sundgau et du Brisgau, et était patronnée par les sires de Ribeaupierre. Ils se réunissaient le 24 août à Hirtzfelden près d'Ensisheim. Leurs statuts prévoyaient entre-autres des dispositions d'assistance mutuelle en faveur des bergers pauvres, malades et âgés.
Pour la Basse-Alsace, la confrérie était patronnée par les sires de Hanau-Lichtenberg qui déléguaient leurs fonctions au bailli de Pfaffenhoffen, ville où se tenaient également les réunions. Jadis cette confrérie comprenait tous les bergers de Basse-Alsace. Vers 1745 environ, une cinquantaine se réunissait encore à Pfaffenhoffen. Ils décidèrent de rénover leurs statuts. Le nouveau projet comprenait 20 articles d'ordre disparate.
La confrérie a disparu à la fin du XVIIIe siècle.
Nous sommes peu renseignés sur la façon de vivre des bergers. En général, ils étaient embauchés par les communautés villageoises et habitaient une maison communale ; certains villages possédaient une maison propre au berger. Plus tard, les bergers ont racheté ces maisons à la commune ou construit leur propre maison. Ils cultivaient des parcelles communales. Il est très difficile de faire une étude sur cette profession à cause de la rareté d'archives familiales ; les bergers ne possédaient ni maison ni terres et étaient rarement sédentaires. Les mariages se faisant souvent dans le même milieu et permettaient ainsi de caser les fils dans d'autres villages. Les bergers étaient rémunérés par des paiements en nature, très souvent une certaine quantité en grains, calculée selon le nombre de bêtes du troupeau.
Le travail d'un berger d'un village proche de Willgottheim, consistait à garder les moutons du village sur les prés et les terrains communaux toute l'année, également les vaches en automne. Au son de sa flûte, les moutons sortaient des fermes et étaient ramenés le soir.
Le berger était également, la plupart du temps, vétérinaire et boucher. Dans tous les villages on retrouve sa maison par le hofname (nom de la cour) "s'Hirte" (le berger).
La profession était représentée dans le Kochersberg par certaines dynasties familiales : les Heidmann, Schatz, Loth, Messer, Wendling, Reinmann. Les Heidmann étaient les plus nombreux et étaient tous apparentés, malgré l'orthographe variée du nom de famille qui ne s'est stabilisée qu'à la fin du siècle dernier avec l'apparition du livret de famille.
| © Thierry Heitmann - © Association des Heide-Mann - Juillet 1995 |