Nous savons, par les registres paroissiaux de Hochfelden, que les Heydmann y sont présents dès la fin du XVIIe siècle (1676-1679, date des premiers actes trouvés dans les plus anciens registres). Il y a à cette époque trois Heydmann à Hochfelden : Christoph, dont nous reparlerons, Jean Jacob et Jean Georges. C'est de Jean Georges dont descendent tous les Heidmann contemporains identifiés à ce jour. Certaines traditions orales dans plusieurs branches de la famille font remonter la présence des Heydmann en Alsace à la fin de la Guerre de Trente Ans, lorsque trois frères bergers seraient venus s'y installer en provenance de la Lüneburger Heide (d'où le nom "Heide-Mann", homme de la lande). Ils auraient fait partie de ces vagues d'immigrants venus repeupler la province après les massacres de la guerre de Trente-Ans (1618-1648).
Mais qu'en est-il réellement ? A quand remonte la présence des Heydmann en Alsace de manière générale et à Hochfelden en particulier ? Les pièces remontant à cette période sont rares. Par ailleurs, les Heydmann étant berger, ils n'avaient pas de biens ni de terre et n'ont de ce fait pas laissé beaucoup de traces dans les différentes archives.
Il existe cependant aux Archives Départementales du Bas-Rhin (ABR), un fond constitué d'archives de la famille Albertini d'Ichtratzheim(1), seigneurs bannerets auxquels appartenait la terre de Hochfelden à partir de 1632 et jusqu'à la Révolution.
Parmi les pièces que j'ai examinées à ce jour, se trouve un registre contenant le protocole des affaires judiciaires(2) traitées à Hochfelden. Il commence le lundi 24 mai 1652 et se termine le lundi 7/17 mars 1670 (il y a toujours indication des deux dates, la première correspondant au calendrier julien(3), la seconde au calendrier grégorien(4)). Une feuille volante, datée de 1512 et placée au début du volume, constitue en fait la première page d'un exemplaire des statuts de Hochfelden.
Ce registre est très instructif. On y trouve la mention des diverses amendes infligées aux sujets de Hochfelden, les jugements rendus en matière criminelle, et, chose beaucoup plus intéressante d'un point de vue généalogique, la liste des nouveaux bourgeois et celle des emplois renouvelés chaque année et attribués aux membres de la communauté. Ces emplois étaient renouvelés et les nouveaux bourgeois étaient reçus (moyennant finances) lors du "Ambtstag" (jour des plaids annaux et du renouvellement des emplois) qui se tenait vers la Saint-Martin(5), c'est-à-dire à la mi-novembre.
Les emplois ainsi attribués étaient, par exemple : Heimburger (receveur communal), Heiligenschaffner (receveur et administrateur de la fabrique d'église), Gutleutschaffner (receveur des revenus de la léproserie), Engerläger (directeur des corvées), Weinsticher (gourmet chargé de vérifier la qualité du vin), Förster (forestier), Brot- und Fleischschauer (contrôleur du poids et du prix du pain et de la viande), Verordnete zum Feuer (députés pour le feu avec des voitures, à pied ou à cheval), Bannwart (bangarde, garde-champêtre, garde pendant les récoltes, chargé de faire respecter les disciplines agraires), Bronnen- und Wegschauer (inspecteurs des puits et chemins), Zoller (douanier, péager). Cette liste n'est pas exhaustive. Elle comprend une douzaine de fonctions qu'occupaient en général deux personnes ou plus (jusqu'à sept dans le cas des députés pour le feu). Les descriptions de certaines de ces fonctions sont présentées en annexe.
C'est dans ce registre qu'on trouve la trace de deux personnes nommées Christoph Heydmann, probablement le père et le fils car l'un est quelquefois qualifié de "der Alt" ou "der Älter", le vieux, et l'autre de "der Jung", le jeune. Le premier apparaît dès 1652. En effet, le mercredi 26 mai 1652, une amende de 1 livre ("Pfund Pfennig") est infligée à Christoph Heydmann pour avoir abattu un grand saule : "Christoph Heydmann soll wegen abgehauen großes Weidenbaums zu Strafe erlegen 1PfPf".
D'autres amendes lui seront infligées au cours des années couvertes par ce registre :
Ces condamnations n'empêchent pas Christoph Heydmann d'occuper à plusieurs reprises un de ces emplois communaux. Son nom apparaît dès 1655, lorsqu'il est nommé au poste de "Brot- und Fleischschauer" (cf. ci-dessus et en annexe). Au cours des années suivantes, il sera nommé à divers autres postes. En 1664 il est nommé "Verordnete zum Feuer" alors que son fils ("der Jünger") apparaît pour la première fois au poste de "Bannwart". C'est d'ailleurs le même jour (17 novembre 1664) que Christoph le jeune est reçu bourgeois, moyennant la somme de 15 Schilling. Le tableau ci-dessous donne la liste des divers emplois occupés par nos deux Heydmann.
Date de l'Ambtstag | Christoph Heydmann, père | Christoph Heydmann, fils |
24 mai 1652 | - | - |
24 juin 1653 | - | - |
12 avril 1655 | Brot- und Fleischschauer | - |
12 novembre 1657 | Verordnete zum Feuer, mit Pferd | - |
19 novembre 1658 | - | - |
31 octobre 1659 | Engerläger | - |
17 novembre 1660 | - | - |
28 octobre 1661 | Bannwart | - |
21 novembre 1662 | Brot- und Fleischschauer | - |
13 novembre 1663 | - | - |
17 novembre 1664 | Verordnete zum Feuer, mit Pferd | Bannwart |
8 décembre 1665 | - | - |
20 octobre 1666 | Förster | - |
9 octobre 1667 | - | - |
1er décembre 1668 | Bannwart | - |
10 décembre 1669 | - | Bannwart |
Ce registre est donc capital, puisqu'il prouve la présence d'une famille Heydmann à Hochfelden dès l'année 1652, soit 4 ans après la signature des traités de Westphalie qui ont marqué la fin de la guerre de Trente-Ans. Nous y retrouvons Christoph Heydmann, le jeune, qui est très probablement celui que nous avions identifié dans les registres paroissiaux. Nous lui connaissons deux épouses : Catherine Fridrich, épousée le 18 octobre 1676 à Oberschaeffolsheim, et Anne Marguerite Oberacker, épousée le 16 juin 1681 à Hochfelden.
Voici donc l'apparition de son père, Christoph le vieux, qui porte le même prénom que son fils. En revanche, le registre analysé ne fait nulle part mention de Jean Jacob ni de Jean Georges Heydmann, ce qui ne veut pas dire non plus qu'ils ne vivaient pas déjà à Hochfelden à cette époque.
Il reste encore d'autres documents à déchiffrer et à exploiter dans les archives de la famille d'Ichtratzheim. Il y a notamment des comptes, de fabrique ou autres, et des descriptions ou renouvellements du ban de Hochfelden avec la mention des propriétaires et/ou des exploitants des différentes parcelles. Une première lecture rapide de quelques-unes de ces pièces m'a fourni les renseignements suivants :
Toutes ces pièces montrent que ces deux Heydmann n'étaient probablement pas que berger, mais aussi cultivateurs. Ils possédaient au moins une maison et quatre chevaux à eux deux, ce qui est assez considérable pour l'époque. Il est possible que la maison soit passée entre les mains du fils, puisque c'est lui qui paye la taxe foncière en 1673.
Cependant, aucun des documents consultés pour le moment ne mentionne les deux autres Heydmann connus : Jean Jacob et Jean Georges. Ces documents concernent grosso-modo les années 1650-1670. Les registres paroissiaux de Hochfelden commencent en 1679. Il y a donc encore un "trou" d'une décennie (1670-1680) sur laquelle porteront mes efforts futurs.
Ces fonctions sont exposées dans les deux règlements et statuts de Hochfelden qui nous sont parvenus. Le premier date de 1512, au temps où Hochfelden dépendait du bailli impérial d'Autriche en Basse-Alsace et du comte de Deux-Ponts-Bitche, le second date de 1665, alors que Hochfelden appartenait aux barons Albertini d'Ichtratzheim. Un original du premier et une traduction française du second(11) se trouvent aux Archives Départementales du Bas-Rhin. La traduction a été établie en 1763 pour le Conseil Souverain d'Alsace. Les deux règlements, très semblables, sont analysés et explicités par Alphonse Wollbrett dans "Pays d'Alsace", revue de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Saverne et Environs. C'est ce document qui m'a servi à rédiger cette annexe.
Deux personnes étaient choisies et assermentées pour procéder à l'inspection du pain le samedi et le mardi, éventuellement aussi les autres jours. La valeur du pain (prix, poids) devait correspondre à celle des frais. Les inspecteurs devaient aussi vérifier, au cas où le pain était mou, si celà provenait d'une mauvaise cuisson. Le cas échéant, il percevaient les amendes infligées aux boulangers indélicats.
Les deux mêmes personnes étaient également chargées de contrôler la qualité de la viande, le poids et le prix, également aux jours de marché. Ils surveillaient la qualité des poissons, harengs et harengs saurs. Ils devaient veiller, sous de lourdes peines, à la stricte application du règlement.
Deux personnes étaient choisies et assermentées afin de diriger les corvées seigneuriales. Ils devaient veiller à l'égalité de tous devant ces tâches, sans charger les uns pour en exempter les autres.
Deux forestiers et deux bangardes (gardes-champêtres) étaient nommés, les premiers pour avoir l'inspection sur les eaux, forêts et prairies, les seconds sur le ban de Hochfelden. Il est dit dans le règlement, que pour que ces personnes soient plus diligentes et plus vigilantes durant la nuit, elles conserveront un tiers des amendes infligées nuitamment. Ils devaient veiller à l'application du règlement concernant les délits champêtres : abattage d'arbres fruitiers d'autrui, bris de clôtures, passage de troupeaux dans les champs ensemencés d'autrui, etc.
Sept bourgeois "capables et forts" étaient nommés, dont deux avec des chariots, deux à cheval et trois à pied, pour la lutte contre l'incendie. Ils devaient, dès la sonnerie du tocsin, abandonner immédiatement leur ouvrage et attaquer le feu avec les échelles, crochets et seaux destinés à cet usage, et ce à Hochfelden ou dans les villages voisins (signe d'une certaine entraide devant ce grand malheur redouté de tous). Chaque sujet était d'ailleurs tenu de faire fabriquer un seau destiné à la lutte contre le feu, dès qu'il était reçu bourgeois.
© Thierry Heitmann - © Association des Heide-Mann - Juillet 1996 |